Le superlatif sur rails
October 01, 2019
Aucun train de luxe historique ne nourrit autant l’imagination que le très sélect et emblématique Orient-Express, le nec plus ultra en matière de voyage en train, sur des voies ferrées comme autrefois.
Depuis que le monde réfléchit et agit en termes d’expériences (et de listes de choses à faire), le Venice Simplon-Orient-Express (VSOE) est un incontournable. Ou plutôt une « redécouverte », car on ne peut plus iconique. Le VSOE n’est pas un train ; c’est un concept. C’est aussi un statut, une carte postale vivante, le train parmi les trains. « L’émotion sur rails », affirme le Senior Train Manager belge Bruno Janssens. « Ce train ne laisse personne indifférent. »
Le rétro a le vent en poupe
Tout avait pourtant commencé sans trop de bruit. Le premier voyage de ce train fut organisé par l’ingénieur belge Georges Nagelmackers. L’« Orient-Express », parti de la Gare de l’Est de Paris le 5 juin 1883, est depuis lors une source d’inspiration pour bon nombre d’auteurs. Citons bien sûr Agatha Christie et son Crime de l’Orient-Express, qui reste l’un des meilleurs romans policiers à ce jour. Ian Fleming a également mis James Bond en scène dans ce train, dans Bons Baisers de Russie. Le « parrain » des voyages en train de luxe a néanmoins connu une histoire mouvementée. Juin 1889 marque la naissance de la ligne signature : de Paris à Istanbul, via Vienne, Budapest et Bucarest. Dans les années 1920 et 1930, cependant, plusieurs routes jumelles sont venues compléter l’offre, avec des noms similaires qui portaient à confusion. Et puis, tout a basculé. Les puristes considèrent l’année 1977 comme la date d’extinction du produit original, l’Orient-Express géré par la Compagnie des Wagons-Lits. Le train a certes continué à rouler, mais sous différentes formes et avec des itinéraires réduits, jusqu’à ce que le rideau tombe en 2009. Le train qui circule aujourd’hui, exploité par le groupe Belmond, est le Venice Simplon-Orient-Express ; l’œuvre de l’Américain James Sherwood, qui a passé des années à acheter et rénover les anciens wagons des années 1920 et 1930. Sherwood a finalement lancé une ligne Londres-Venise en mai 1982. Ce train est une réplique de l’ancien « train des rois », figée dans le temps et proche de la perfection.
Un château sur rails
Les sublimes compartiments sont ornés de boiseries polies et de détails art déco. Du bronze étincelant et des essences de bois précieuses arborant des fleurs stylisées complètent le décor. Un dress code soigné est de mise : au minimum un costume et une cravate pour les hommes et une robe de cocktail pour les femmes. Le service (la brigade de serveurs est principalement composée de stewards italiens) est tiré à quatre épingles. Des stewards, vêtus d’un blazer bleu roi pourvu de liserés dorés, vous obéissent au doigt et à l’œil, comme si vous étiez Mme Christie en personne. « On ne réserve pas un billet à bord de ce train pour parcourir une distance, mais pour célébrer une occasion spéciale », explique Bruno Janssens, fort de dix-huit ans d’expérience à bord. « Il s’adresse évidemment aussi à ceux qui souhaitent remonter subitement 50 ans en arrière. » Voyager avec des trains lents peut être une leçon d’histoire d’avant-guerre, de luxe, de nostalgie et de confort, sans tomber dans des extrêmes ostentatoires, mais (même ici) le temps ne s’arrête jamais. « Nous rénovons en effet chaque année plusieurs voitures, que nous transformons en suites plus spacieuses, équipées d’une douche et de toilettes », confie Bruno Janssens.
Qui, pourquoi et comment ?
Selon le groupe britannique Belmond, le profil des voyageurs est très net : « Nos passagers ont généralement beaucoup voyagé et n’ont plus besoin de faire leurs preuves. Ils ne se focalisent pas sur les étoiles des établissements, car ce type de trains constitue une catégorie à part. L’ambiance est, par ailleurs, très amicale. À bord, les passagers ne sont pas des étrangers, mais des amis qui ne se connaissent pas encore. Une exclusivité discrète, pour ainsi dire… Ce qui rend l’expérience d’autant plus appréciable. Pas de longues files d’attente ni de contrôles de sécurité avant le départ, un service personnalisé jusque dans le moindre détail, un paysage en mutation constante, une cuisine exquise, un bar bien fourni et l’extase apaisante de la cadence. Le facteur “snow travel”, l’envie de ralentir. À bord, ce n’est pas la vitesse qui compte, mais la manière de voyager. Au fond, le voyage est la destination. »